Médecine intégrative
une interview du Dr Gary Huber
Le Dr GARY HUBER discute avec VICTOR KANNAN des bienfaits de la méditation pour la santé et le bien-être, et raconte comment il a peu à peu évolué vers la médecine intégrative, en associant à ses traitements des techniques simples de méditation.
Q: Vous avez été médecin urgentiste pendant vingt ans avant de vous diriger vers la médecine intégrative. Vous donnez des cours à l’«American Academy of Anti-Aging Medicine», l’Académie américaine de médecine anti-âge, sur les traitements de substitution hormonale, ceux des maladies cardiovasculaires, la médecine du sport et d’autres sujets relatifs à l’approche intégrative.
Vous avez développé un programme de perte de poids équilibrée, le «Hubert Healthy Weight Loss Program», qui permet aussi d’inverser le syndrome métabolique. Vous êtes également enseignant et superviseur de pratique clinique à la faculté de pharmacie de l’université de Cincinnati et, l’année passée, vous avez été distingué par l’«American Health Council», le Conseil américain de la santé, comme un précurseur en médecine.
Tout d’abord, pouvez-vous nous dire en quoi consiste la médecine intégrative et ce qu’elle apporte de nouveau?
La médecine intégrative est une approche multidisciplinaire qui prend en compte les différents aspects de la vie d’un patient. En médecine conventionnelle, nous prescrivons des médicaments pour tenter de contrôler des symptômes. En médecine intégrative, nous continuons à utiliser les médicaments, la radiographie ou les analyses médicales, mais nous prenons en compte bien plus d’éléments, car la médecine conventionnelle, pour certaines choses, n’est pas la bonne approche. C’est ce que j’ai appris de mes vingt ans d’expérience comme médecin urgentiste: notre médecine est vraiment au top pour intervenir par exemple en urgence ou sur un problème de santé aigu, mais aider les gens à être et rester en bonne santé, ce n’est pas son fort.
Pour le dire simplement, la médecine intégrative tient compte de tout ce qui constitue votre existence: le sommeil, les activités physiques, le stress, le régime alimentaire, si vous méditez ou non, etc. C’est en premier lieu tout ça qui va expliquer pourquoi vous faites de l’hypertension. Et ce sont principalement ces facteurs, que la médecine conventionnelle néglige, qui vous aideront à être en bonne santé, à inverser votre diabète ou votre hypertension, et à améliorer votre qualité de vie.
Q: Est-ce la même approche que la médecine «personnalisée»?
Oui, ce terme est récent. On a parlé de médecine «intégrative», «holistique», «naturelle», et maintenant on a tendance à dire «personnalisée», avec l’avènement des tests génétiques. Je peux examiner votre patrimoine génétique et, sur cette base, vous proposer un traitement sur mesure, basé sur les prédispositions de votre organisme.
Q: Dans ce contexte, on entend beaucoup parler de yoga, de méditation, de pleine conscience, de bien-être et de soins de santé. Comment le yoga et la méditation, par exemple, s’intègrent-ils dans la médecine personnalisée?
Nous aurions besoin du Petit Larousse pour comprendre tout ce que ces termes signifient clairement. Le yoga est-il de la méditation? Non, mais les deux sont souvent liés. La méditation peut être un élément du yoga, mais tous les types de yoga n’incluent pas la méditation. La méditation est en soi très bonne pour la santé. L’activité physique est une chose différente, la religion est aussi quelque chose de différent, et je pense que pour chaque individu on peut recourir à un mélange de ces différents concepts et notions.
Q: Selon vous, la méditation peut donc aider à être en meilleure santé?
J’en suis absolument persuadé, parce que la science le prouve. En fin de compte, je suis un scientifique, un médecin, et j’ai besoin de preuves. Ce qui m’a passionné au sujet de la méditation, quand j’ai commencé à lire des articles à son sujet, c’était par exemple la manière dont elle diminuait la tension artérielle. Je fais partie de ceux qui s’appuient sur les preuves. Et il y en a beaucoup qui démontrent l’impact phénoménal de la méditation sur la santé. Et c’est crucial, aujourd’hui plus que jamais, alors que nos vies se délitent du fait des nouvelles technologies, du rythme de la vie et du stress que nous nous infligeons.
En outre, nous sommes plus qu’enclins à rechercher du plaisir dans toutes sortes de choses malsaines. «J’ai envie de ces produits alimentaires transformés», «Je vais dévorer ces beignets», «Comme c’est bon, ce café plein de sucre», ou encore «Je visionne des films sans fin, puisque je peux les voir en streaming sur Netflix»… Nous raffolons de ce qui endommage notre santé, alors que pouvons-nous faire pour la rétablir? Je pense que la méditation est un outil merveilleux pour combattre les mauvaises habitudes et le stress que nous nous causons.
Q: À quelle fréquence devrions-nous méditer et combien de temps?
Demandez-le à dix spécialistes – et vous obtiendrez dix réponses différentes. Quant à moi, je me contente de faire en sorte que les gens acceptent ce concept et l’intègrent dans leur vie. Des gens comme vous, avec une riche expérience dans le domaine de la méditation, auront peut-être une réponse différente. Quand j’ai parlé avec votre collègue, elle m’a dit que l’aube et le crépuscule étaient les deux meilleurs moments pour méditer, et qu’il était bon de le faire pendant au moins vingt minutes.
En ce qui concerne mes patients, je leur suggère de méditer quotidiennement. Est-ce que je le fais moi-même? Je ne vais pas mentir: j’aimerais bien, mais il m’arrive de laisser passer quelques jours. Cela ne m’empêche pas d’encourager mes patients à méditer tous les jours! Mais je ne veux pas leur mettre de barrière, alors que ce soit le matin, l’après-midi ou le soir, et ne serait-ce que huit minutes – s’ils le font, c’est déjà très bien.
D’ailleurs, je recommande souvent un petit livre de Victor Davich, 8 Minute Meditation que j’adore pour son principe KISS «Keep it Simple, Stupid», ce qui signifie grosso modo «ne complique pas les choses». Si je peux encourager mes patients à tremper ne serait-ce qu’un orteil dans la méditation… une fois qu’ils sentiront à quel point elle est bénéfique, ils s’y plongeront d’eux-mêmes tout entiers…
Q: Le docteur Richard Davidson, de l’université de Wisconsin-Madison, dit que ces huit minutes de méditation modifient la composition chimique du cerveau. Ainsi, cette courte durée peut déjà aider à améliorer l’humeur?
Absolument, des études ont permis de mesurer ces effets. À ce propos, il y a deux choses intéressantes que je veux faire comprendre à mes patients:
On n’a pas besoin d’être un yogi ou de méditer trois heures par jour pendant dix ans pour en récolter les bienfaits. Les recherches ont démontré que déjà cinq heures – 15 minutes par jour pendant 20 jours – suffisent pour obtenir des changements. De plus la méditation permet de modifier favorablement tout ce que vous voudriez améliorer dans votre cerveau: elle provoque une augmentation du BDNF (facteur neurotrophique dérivé du cerveau), une élévation du niveau des neurotransmetteurs GABA, une réduction du glutamate, une expansion de l’hippocampe, etc. Alors si votre intention est de développer le cerveau idéal qui vieillira bien, la méditation fait évoluer tous ces indicateurs dans la bonne direction.
Voilà! Si je suis enthousiaste, c’est parce que j’ai des preuves.
Q: Des recherches menées à l’hôpital d’York, en Pennsylvanie, ont montré une amélioration significative de la longueur des télomères chez les personnes pratiquant la méditation Heartfulness. Les télomères sont des indicateurs du vieillissement ou de l’anti-âge.
En effet. Les télomères sont situés aux extrémités des chromosomes de notre ADN, un peu comme le morceau de plastique au bout d’un lacet de chaussure. Ils préviennent l’effilochage de l’ADN; donc des télomères suffisamment longs sont des signes de bonne santé et de longévité.
Q: ll se peut que la notion d’anti-âge soit mal comprise et qu’on espère retrouver l’âge biologique de ses vingt ans. Est-ce possible?
Non, ça n’arrivera pas. Je dis souvent aux gens que certaines choses sont inévitables, qu’en vieillissant on perd ses cheveux et du muscle. Et même si on peut ralentir ce processus, on n’aura jamais plus l’apparence qu’on avait à 22 ans. Je dis pour plaisanter à mes patients, quand ils me questionnent à propos des traitements de substitution hormonale: «Je ne suis pas capable de vous rendre vos 25 ans…» Nous vieillissons tous. Et je veux vieillir, mais pourrai-je le faire en gardant mon élan et ma vitalité? C’est le point crucial. À 80 ans, je voudrais pouvoir évoluer sur un terrain de golf, et non pas dans une maison de retraite! Eh bien, je crois que la méditation peut nous aider à
avancer en âge harmonieusement, en préservant nos capacités.