Qu’est-ce que votre enfant attend réellement de vous? Que signifie pour vous «être avec votre enfant»? SNEHAL DESHPANDE nous parle des premières années de formation, et insiste sur l’importance du lien affectif pour le développement général de l’enfant.
Ashwin est un enfant de trois ans que j’ai vu aujourd’hui dans mon cabinet avec ses parents. Sa maman occupe un poste élevé dans les ressources humaines d’une société multinationale et son papa est banquier d’affaires. Ils ont récemment découvert qu’Ashwin ne parlait pas et ne créait aucun contact visuel. Il est confié à la garde d’une nounou qui passe le plus clair de son temps sur son téléphone portable. Le petit garçon répète de façon distincte les dialogues du «cochon Peppa» et imite également le personnage de Doremon. Il joue avec des petites voitures et d’autres jouets qu’il aligne. Il aime tourner sur lui-même et regarder le ventilateur au plafond. Il évite le contact visuel et n’aime pas engager une conversation.
C’est un scénario courant dans de nombreuses familles aujourd’hui. En tant que thérapeute, je rencontre beaucoup d’enfants anxieux et insécurisés. Qu’est-ce qui mène à cela? Le manque de lien ou d’attachement entre l’enfant et la personne qui s’occupe de lui. Celle-ci n’a pas conscience de ce qui sécurise l’enfant.
Le psychanalyste britannique John Bowlby est un pionnier de l’étude des liens affectifs. Sa théorie de l’attachement montre comment les bébés s’attachent à leur mère pour des raisons de survie, et décrit également les effets de la privation de ce lien sur les nourrissons. Ceux-ci s’attachent aux adultes qui sont sensibles et attentifs, qui répondent à leurs besoins et prennent soin d’eux de façon suivie entre 6 mois et 2 ans. Les réponses des parents permettent à l’enfant de créer des schémas d’attachement menant à la construction de modèles intérieurs qui plus tard détermineront ses sentiments, ses pensées et ses attentes dans la vie et dans les relations.
Dans une situation normale, le cortex préfrontal se développe durant les deux premières années de la vie, et favorise la création de stratégies de résilience. C’est aussi via ce cortex que se construit chez l’enfant un sentiment de sécurité qui contribue à un développement sain, à une capacité d’autorégulation et à la confiance en soi. Des parents qui répondent aux besoins de l’enfant lui donnent un sentiment de sécurité, de confiance, d’importance et d’appartenance, et tous ces facteurs réunis créent en lui un sentiment de compétence.
Dans son livre Self-Reg, le docteur Stuart Shanker explique que les interactions sociales entre les parents et le bébé passent par les expressions du visage, la gestuelle, la posture et le son de la voix. Il relève que ces interactions vont au-delà d’une simple compréhension mutuelle. «Il s’agit d’un processus de co-régulation bien plus primitif, dans lequel chacun répond par un comportement automatique, une réaction viscérale, à ce que l’autre ressent. En fait il s’agit des fondements de la lecture de pensées, c’est-à-dire la capacité de savoir ce que l’autre pense ou ressent, à partir du langage corporel.»
Les réponses des parents
permettent à l ’enfant de créer
des schémas d ’attachement
menant à la construction
de modèles intérieurs qui plus
tard détermineront
ses sentiments, ses pensées
et ses attentes dans la vie
et dans les relations.
Les deux premières années de la vie sont une période d’intense développement des capacités sensorielles et d’assimilation de l’enfant. Elles sont déterminantes pour son avenir.
La découverte des neurones miroirs par les neuroscientifiques est un bon exemple d’application de données scientifiques à la démarche clinique. Les neurones miroirs nous aident à capter les sentiments et les émotions d’une autre personne et seraient en fait à la base de l’empathie. Quand nous observons le langage non verbal d’un autre, nos neurones miroirs sont activés; ils reproduisent ce que nous voyons et envoient ces signaux au cortex insulaire, ce qui nous fait ressentir ce que l’autre ressent.
Il est donc vital que nous comprenions que les enfants ont besoin de notre présence et de notre affection de façon régulière pendant leurs deux premières années, qui sont les années formatrices de la vie.
VOICI QUELQUES SUGGESTIONS:
Créez un lien solide avec votre bébé. Les premiers mois sont les plus propices à la création d’un lien qui durera toute la vie.
Remplissez-vous d’un sentiment d’amour, de sécurité et d’appartenance. Vous pouvez partager ce qui vous habite. L’ anxiété d’un parent est ressentie par le petit. Il en va de même pour la joie. Si le parent est joyeux, le petit le sera aussi. Ces sentiments sont tout de suite perçus par le cortex préfrontal de l’enfant, et auront un impact considérable sur la régulation des émotions, de la motivation, de la récompense et de l’empathie.
Remplacez le temps passé sur les tablettes électroniques et autres médias par du temps partagé. En prenant le temps de parler à votre enfant, vous augmentez sa capacité d’attention. Les gestes aussi sont stimulants et poussent l’enfant à l’action, comme chanter et danser ensemble, par exemple.
Renseignez-vous sur les différents stades de développement chez l’enfant et choisissez des jouets adaptés à son âge.
Lorsque vous confiez votre enfant à une nounou, assurez-vous qu’elle a de l’expérience et saura répondre aux besoins émotionnels de votre enfant de façon à encourager son développement et sa faculté de se connecter à l’autre.
Dans le lien parents-enfants, la socialisation est essentielle pour que les enfants développent naturellement des compétences dans la conversation et la communication.
Faites des promenades dans la nature avec votre enfant.
Faites jouer les enfants avec des matières naturelles, comme l’eau, la terre, l’argile, afin qu’ils révèlent leurs talents et leurs compétences.
Encouragez les grands-parents à passer du temps avec vos enfants.
Évitez d’exposer les jeunes enfants aux gadgets électroniques.
Rien ne peut remplacer l’éducation donnée par une mère attentive et aimante.