DETOX DIGITALE
L’esprit humain
doit l’emporter
sur la technologie.
Albert Einstein
Trois questions sur la détox digitale
Pour la plupart d’entre nous, la technologie digitale fait partie intégrante de nos vies. On communique par SMS, mails, WhatsApp, Instagram, FaceTime, Skype, etc. Cela a-t-il modifié votre façon de communiquer et les relations avec votre entourage?
Comment peut-on utiliser les avantages de cette technologie sans être submergé par ses effets négatifs?
Vous posez-vous la question de l’impact des ondes électromagnétiques sur votre santé et votre bien-être? Avez-vous entrepris quelque chose à ce sujet?
Au début des années 70, quand je poursuivais mes études à Londres, les appels téléphoniques coûtaient si cher que je n’ai parlé à mes parents que trois fois en cinq ans. On correspondait aussi par lettre, mais ça ne remplaçait pas le contact personnel. J’étais adolescent, et l’absence de communication avec ma famille m’a beaucoup traumatisé. Tout a tellement changé, depuis! Les technologies me permettent aujourd’hui de communiquer régulièrement avec ma sœur et mes proches qui vivent au loin.
Alors que les technologies numériques nous rapprochent de ceux qui sont loin, elles peuvent aussi créer une distance avec ceux qui vivent près de nous. Quand j’ai réalisé, il y a quelques années, que j’envoyais un texto ou un message WhatsApp au lieu de parler à une personne, j’ai décidé d’essayer d’abord de la rencontrer, surtout au travail, puis d’utiliser le téléphone et ensuite les courriels, si je dois garder une trace ou expliquer quelque chose en détail. J’utilise les textos en dernier recours ou pour des rappels et des rendez-vous. J’essaie aussi d’éviter Facebook, sauf pour suivre quelques personnes que je trouve inspirantes.
Prenez le temps de parler avec les gens. Le langage corporel et l’interaction humaine font une grande différence et permettent d’éviter bien des malentendus. Évitez les groupes WhatsApp ou Facebook, sauf si le but du groupe est bien défini. Ne publiez pas de données personnelles sur ces plates-formes. Limitez l’utilisation de la technologie à des moments précis. Contrôlez la technologie, plutôt que de vous laisser contrôler par elle. Je n’ai pas observé que la technologie ait tellement affecté ma santé, à part une baisse de la vue, due sans doute à l’usage intensif de l’ordinateur au travail. Mais j’observe autour de moi des comportements compulsifs et de la dépendance. Des gens vérifient leurs messages sur leur téléphone en traversant la rue! Et on m’a dit que l’utilisation constante de ces technologies augmentait le bavardage du mental, et perturbait le sommeil et le bien-être.
RAVI RAVENDRAN
Directeur de projets
à la retraite, Wellington,
Nouvelle-Zélande
L’efficacité toujours croissante des communications numériques a certainement eu pour effets d’accroître mes performances et de m’ouvrir des portes professionnellement. Cependant même si, grâce à ces technologies, j’élargis constamment mon réseau d’amis, je constate aussi l’effet singulier qu’elles ont sur moi. Alors que je me sens revigorée, heureuse, satisfaite, voire inspirée, quand je rencontre des amis, le fait de «communiquer» avec eux à travers un écran me laisse en quelque sorte sur ma faim. La communication s’appauvrit insidieusement. Les messages-textes et les emojis ne permettent pas de transmettre certaines nuances plus subtiles, et ces tête-à-tête manquent souvent de cœur, sans compter les risques de malentendus. Pourtant, les relations virtuelles prennent de l’ampleur, souvent parce que mes interlocuteurs préfèrent ce moyen.
Einstein disait: «J’ai bien peur que le jour où la technologie supplantera les interactions humaines, nous aurons une génération d’idiots.» Et comme notre espèce semble avoir le don de comprendre les choses trop tard, sa prédiction pourrait bien se réaliser. Pourtant, vouloir, c’est pouvoir. Personnellement– je ne suis pas parfaite! –je suis aussi tombée dans le piège de la technologie intelligente, car elle a tout pour nous séduire, mais j’ai réussi à apprendre à l’utiliser au lieu d’en abuser. Chaque fois que nous tendons la main, par simple désœuvrement, vers cet appareil intelligent, nous avons le choix d’exercer notre volonté et d’essayer plutôt de faire quelque chose de constructif qui nous redonne des forces. Ce ne sont pas les options qui manquent! Tout récemment encore, je faisais peu de cas des avertissements sur les effets néfastes des technologies numériques sur ma santé spirituelle, mentale et physique. Cependant, en prenant l’habitude de m’observer, j’ai remarqué que je me sentais souvent très fatiguée après quelques heures d’utilisation.
Dès lors, j’ai recouru aux grands moyens: je fais des pauses régulières, je sors prendre l’air, je parle au moins quelques minutes avec quelqu’un ou je m’installe pour lire un livre. J’éteins également le Wifi la nuit et, si je suis en train de manger, de faire la cuisine ou de méditer, je ne garde jamais mon portable ou mon ordinateur à portée de main. Si vous avez des idées à ce sujet, merci de les partager.
PANKHI CHAUHAN
Conceptrice-rédactrice
et conseillère créative,
Ahmedabad, Inde
Je trouve les communications numériques plus impersonnelles, moins intimes. Notre lien avec l’autre semble manquer de profondeur ou de qualité. Mais ces technologies me donnent une grande marge de manœuvre et me permettent de travailler à distance. J’aime avoir accès à cette quantité d’informations, avoir un GPS pour me repérer dans des endroits inconnus, utiliser mon portable pour m’assurer, avant de faire des courses dans un magasin, qu’il vend des produits de bonne qualité à des prix raisonnables.
À la maison, je fais toujours transférer mes appels de mon portable vers ma ligne fixe, pour ne pas passer mon temps à vérifier mes messages. Rencontrez les gens en personne et, lorsque vous leur parlez, rangez votre portable, idéalement après l’avoir mis en sourdine ou en mode avion. Cela vous permettra de vous concentrer sur votre interlocuteur et de lui donner la priorité absolue.
J’ai mis longtemps à comprendre qu’en fait ces technologies me rendaient très malade. Depuis, tous les appareils qui se trouvent à la maison sont reliés par des fils afin de limiter notre exposition aux rayonnements électromagnétiques. Pour visionner quelque chose sur une tablette, nous utilisons le point d’accès du téléphone.
PAUL PASTERNAK
Canada
Nous vivons dans un monde très «branché»! Les progrès de la technologie nous ont rapprochés de beaucoup de personnes que nous avions perdues de vue depuis longtemps, ils ont renouvelé nos relations et changé notre façon de travailler. Le papier et les espaces de travail pourraient bientôt devenir obsolètes.
Cependant, comme dans tous les domaines, le manque de modération nuit. La surutilisation de ces technologies mine les relations personnelles, surtout avec nos proches. Les échanges en personne semblent voués à disparaître. Tout ce qui est puissant peut devenir néfaste, faute d’un usage équilibré. Ces outils numériques nous donnent un grand pouvoir, et il serait bon de les utiliser avec prudence et discernement. Pour commencer, nous pouvons diminuer l’usage des fonctions de «divertissement».
Sans une utilisation modérée, cette technologie peut gravement affecter notre vue et nos mouvements musculaires, nous rendre dépressifs et nous entraîner dans un mode de vie problématique. Je vois beaucoup de jeunes devenir dépendants, se coucher et se lever tard et gaspiller leur temps. Ils courent également le risque d’être exposés à de «mauvaises» informations.
Au moment de nous coucher, nous pouvons débrancher nos appareils et nous abstenir de les consulter au saut du lit et chaque fois que nous nous réveillons la nuit. La modération, c’est la clé.
PRASANNA KRISHNA
Directeur chez Welfare
Harvesters, Bangalore, Inde
Les textos, les courriels et WhatsApp jouent un rôle important dans ma vie. Je les utilise pour garder le contact, généralement personnel, avec un réseau d’amis et de membres de ma famille devenu bien plus grand que par le passé. Ce type d’échanges me donne le temps de réfléchir à mes réponses, de prendre conscience de la nature de ma communication– par exemple, la part d’ego dans mes réponses –et de me rendre sensible aux sentiments de mon destinataire. J’ai tendance à éviter les médias sociaux et les discussions de groupe, sauf pour de simples partages d’informations.
Je pense que chacun devrait faire preuve de bon sens dans ces domaines. On pourrait– et on devrait –commencer par se demander, de temps en temps: «Quel est le but de cette communication?» Ainsi les technologies numériques contribueraient à notre développement personnel en encourageant une réflexion et en accélérant cette prise de conscience. Je réalise toutefois, en écrivant ces lignes, que j’ai la chance de ne pas évoluer dans un environnement de travail compétitif où l’on est constamment sous pression, comme c’est actuellement le cas de beaucoup de jeunes adultes. Et je ne suis pas non plus quelqu’un de juvénile manquant de confiance et cherchant à s’affirmer et à être rassuré.
J’essaie d’écouter ce que mon corps me dit au sujet de cet aspect encore largement inconnu dans nos vies et de suivre les directives que nous donne la recherche environnementale. Cela se traduit par une utilisation minimale et ciblée de ces technologies.
Nous pouvons nous tourner vers la nature et observer nos sensations, puis comparer avec ce que nous ressentons quand nous sommes immergés dans le numérique et soumis à son bombardement sensoriel. Nous devons trouver un équilibre en nous et travailler à le maintenir. Il nous incombe, dans ce domaine, de faire tout notre possible pour préserver les enfants. Nous avons créé quelque chose d’extrêmement séduisant et utile pour eux, mais le venin de sa queue est mortel.
ANNA CHRISTINA
PEARSE
Bristol, Royaume-Uni
Nous avons besoin de LinkedIn, Facebook, Instagram, Google Plus, MeetUp, etc., pour être au courant de ce qui se passe autour de nous, échanger nos points de vue et influencer notre réseau social de manière positive. Les personnes actives sur le plan culturel ou social, notamment, peuvent partager leurs opinions et leur vécu dans les plus brefs délais avec le plus grand groupe possible.
Une foule d’applications nous permettent aussi de faire nos courses, d’effectuer des transactions bancaires, de vérifier l’état du trafic routier avant de nous rendre au travail, de consulter les horaires des transports en commun et ainsi de suite. Il semblerait peu avisé de se priver de toutes ces possibilités! Ce serait comme vouloir moudre du blé avec un moulin à vent, ou puiser de l’eau avec un seau et une corde. Qui le fait encore?
Lorsque nous avons besoin de calme et de concentration au travail ou pour nous plonger dans une activité, il suffit de mettre notre portable en mode silencieux. Nous pouvons aussi choisir d’instaurer des périodes sans Wifi pendant nos moments de détente, la nuit, ou quand nous passons du temps en famille ou avec nos amis le week-end. Il est temps de prendre la technologie numérique pour ce qu’elle est, c’est-à-dire un outil puissant, certes, mais un simple outil, que l’on n’a pas à combattre, et dont on ne doit pas abuser.
NEGIN MOTAMED
Examinateur plans
de zonage, Beaverton,
Ontario, Canada