samadhi-supraconscienceSWAMI VIVEKANANDA nous explique la relation essentielle entre l’état de samadhi, la supraconscience et l’altruisme.

Tout comme le travail inconscient se fait à un niveau inférieur à celui de la conscience, un autre travail se passe au-dessus du plan de la conscience, et n’est pas accompagné d’un sentiment d’égoïté. Ce dernier ne se rencontre que sur le plan du milieu. Lorsque l’esprit est soit plus haut, soit plus bas, il n’y a plus le sentiment du «je», et pourtant il continue de fonctionner. Quand il parvient à franchir cette ligne de démarcation de la conscience du moi, on lui donne le nom de samadhi ou supraconscience.

À quoi reconnaissons-nous qu’un homme en samadhi n’est pas descendu au-dessous de la conscience, n’a pas dégénéré au lieu de s’élever? Dans un cas comme dans l’autre, le travail n’est pas accompagné d’égoïté. La réponse à cette question, c’est que ce sont les effets, le résultat des actions, qui nous permettent de distinguer entre ce qui est au-dessous et ce qui est au-dessus. Lorsqu’un homme tombe dans un profond sommeil, il arrive sur un plan qui se trouve au-dessous de la conscience. Il continue à faire fonctionner son corps: il respire, il bouge peut-être dans son sommeil, sans que cela soit accompagné d’aucun sentiment d’ego; il est inconscient, et lorsqu’il émerge de son sommeil il est à nouveau le même qu’auparavant. Le total de la connaissance qu’il possédait avant de s’endormir reste inchangé et ne s’accroît aucunement. Il ne lui vient aucune illumination.

Mais lorsqu’un homme entre en samadhi, s’il était un sot en y entrant il en ressort un sage. Quelle est la différence? De l’un de ces états, il ressort exactement le même qu’il y était entré; de l’autre, il en sort éclairé, il est devenu un sage, un prophète, un saint; toute sa nature est changée, sa vie est transformée, illuminée. Tels sont les deux effets. Puisqu’ils sont différents, les causes doivent l’être également. Comme cette illumination avec laquelle un homme revient du samadhi est bien plus élevée que ce qui pourrait résulter de l’inconscience, bien plus élevée que ce que pourrait donner le raisonnement dans un état conscient, ce doit être un état supraconscient, et c’est ainsi que l’on qualifie le samadhi.

Voilà en quelques mots la notion de samadhi. Quelle en est l’application? Le domaine de la raison, ou du fonctionnement conscient de l’esprit, est étroitement limité. La raison humaine ne peut se mouvoir que dans un petit cercle; elle ne peut pas en sortir. Toute tentative d’évasion est vaine, et pourtant c’est en dehors de ce cercle que se trouve tout ce qui est le plus cher à l’humanité. Tous les problèmes de l’existence d’une âme immortelle, de l’existence de Dieu, de l’existence d’une intelligence suprême qui guide cet univers, sont au-delà du domaine de la raison. Celle-ci ne pourra jamais les résoudre. Que dit-elle? «Je suis agnostique, je ne puis dire ni oui ni non.» Et pourtant ces questions ont une importance vitale.

Quand l’esprit parvient à franchir cette ligne de démarcation de la conscience du moi, on lui donne le nom de samadhi ou supraconscience.

Si on ne leur apporte aucune réponse convenable, la vie humaine n’a pas de raison d’être. Toutes nos théories éthiques, nos conceptions morales, tout ce que la nature humaine renferme de bon et de grand a été modelé sur des réponses qui nous sont venues d’au-delà du cercle. Il est donc vital que nous ayons des réponses à ces questions.

Si la vie n’est qu’un jeu de courte durée, si l’univers n’est qu’un groupement fortuit d‘atomes, alors pourquoi agirions-nous bien envers notre prochain? Pourquoi la pitié, la justice, la compassion? Le mieux dans ce monde serait de battre le fer pendant qu’il est chaud, chacun pour soi. Si l’espoir n’est qu’un vain mot, pourquoi aimerais-je mon frère au lieu de lui couper la gorge? S’il n’y a rien au-delà, s’il n’y a pas de liberté, s’il n’y a que des lois sévères et mortes, je devrais tout simplement chercher ici-bas le bonheur pour moi-même.

De nos jours on trouve des gens qui prétendent fonder la moralité sur des raisons d’ordre utilitaire. Mais quelle est la base de la moralité? Procurer le plus grand bonheur au plus grand nombre. Pourquoi m’y appliquerais-je? Pourquoi ne causerais-je pas le plus grand malheur au plus grand nombre si cela me convient? Que répondront les utilitaristes? Comment savez-vous ce qui est bien ou ce qui est mal? Je suis poussé par ma soif de bonheur, je la satisfais car telle est ma nature, je ne connais rien d’autre. J’ai ces désirs et il faut que je les assouvisse: pourquoi vous en plaindriez-vous? D’où viennent toutes ces vérités sur la vie humaine, la moralité, l’âme immortelle, Dieu, l’amour, la sympathie, la bonté et, par-dessus tout, l’altruisme?

Toute l’éthique, toute l’activité humaine, toute la pensée humaine reposent sur cette idée unique d’altruisme; toute la notion de la vie humaine peut être résumée en un seul mot: altruisme. Pourquoi serions-nous altruistes? Où trouverai-je la nécessité, la force, le pouvoir d’être altruiste?

Vous vous prétendez rationaliste, pragmatique, mais si vous ne me prouvez pas que vos actes ont une raison d’être et une utilité concrètes, je dirai que vous êtes irrationnel. Démontrez-moi pourquoi je ne dois pas être égoïste! Demander à quelqu’un de ne pas être égoïste peut être fort poétique, mais la poésie n’est pas la raison. Donnez-moi une raison!

Toute l’éthique, toute l’activité humaine, toute la pensée humaine reposent sur cette idée unique d’altruisme; toute la notion de la vie humaine peut être résumée en un seul mot: altruisme.

Pourquoi dois-je être altruiste, pourquoi dois-je être bon? Le fait que ce soit l’avis de M. Untel n’a pas beaucoup de poids. À quoi me sert-il d’être altruiste? Si par intérêt on entend la plus grande quantité de bonheur, mon intérêt c’est d’être égoïste. Quelle est la réponse? L’acte utilitaire ne pourra jamais la fournir. La réponse est que notre monde n’est qu’une goutte d’eau dans un océan infini, un maillon dans une chaîne infinie. Où cette idée d’altruisme a-t-elle été trouvée par ceux qui l’ont prêchée et enseignée à l’humanité? Nous savons que cette notion n’est pas instinctive; les animaux, qui ont de l’instinct, ne la connaissent pas. Ce n’est pas non plus de la raison, car la raison ignore tout de ces idées. Alors, d’où sont-elles venues?

En étudiant l’histoire, nous voyons que tous les grands instructeurs religieux que le monde a connus ont eu ceci en commun: tous prétendent avoir reçu leurs vérités de l’au-delà, même si beaucoup d’entre eux n’ont pas su d’où elles venaient. L’un, par exemple, nous dit qu’un ange ayant forme humaine, avec des ailes, est descendu vers lui et lui a dit: «Écoute, humain, voici le message!» Un autre dit qu’un déva, un être lumineux, lui est apparu. Un troisième dit avoir rêvé que son ancêtre était revenu faire certaines révélations; il n’en sait pas davantage. Mais ils ont en commun que tous affirment avoir reçu cette connaissance de l’au-delà et non de leur faculté de raisonnement. Qu’enseigne la science du Yoga? Qu’ils avaient raison de prétendre que toute cette connaissance leur était venue d’au-delà du raisonnement, mais qu’en réalité elle leur était venue d’eux-mêmes.

samadhi-supraconscience

Pèlerinage mental d’un moine shivaïte
© San Diego Museum of Art, Edwin Binney 3 rd Collection

Le yogi enseigne que l’esprit lui-même est susceptible d’un état d’existence supérieure, au-delà de la raison, un état supraconscient, et que, lorsque l’esprit parvient à cet état supérieur, l’homme acquiert une connaissance qui va au-delà du raisonnement. Il reçoit la connaissance métaphysique et transcendantale. Il est possible que parfois un homme qui ne connaît pas cette science parvienne par hasard à cet état au-delà de la raison, où l’on dépasse la nature humaine habituelle; il trébuche en quelque sorte sur cet état. Quand cela arrive, il l’attribue généralement à une intervention extérieure.

C’est pourquoi une inspiration ou une connaissance transcendantale, tout en restant la même dans différents pays, peut sembler dans l’un avoir été apportée par un ange, dans un autre, par un déva et, dans un troisième, émaner de Dieu. Qu’est-ce que cela signifie? Que l’esprit a produit cette connaissance par sa propre nature; et la découverte de cette connaissance a été interprétée selon les croyances et l’éducation de celui qui l’a faite. La vérité, c’est que tous ces hommes différents sont pour ainsi dire tombés par hasard dans cet état supraconscient.

Swami Vivekananda, RajaYoga, coffret Raja Yoga, éditions Infolio, 2007.
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