Etre artiste - l'inspirationPotière, professeur d’art et ex-doyenne du Cleveland Institute of Art, aux États-Unis, JEAN APPLEBY a passé le plus clair de sa vie à travailler l’argile. Invitée comme artiste en résidence, elle vient de passer quelques semaines à l’ashram de Kanha Shanti Vanam, près d’Hyderabad en Inde, où elle a installé l’atelier de poterie et enseigné aux adultes et aux enfants les joies de la poterie. Elle a été interviewée par MEGHANA ANAND, alors qu’elle animait un programme avec des enfants.

Qu’est-ce qui vous a poussée à l’art et à la créativité?

À huit ans, je savais que je serais artiste. Dès le premier cycle, mes professeurs m’ont encouragée à participer à une exposition étudiante. Puis au lycée, j’ai étudié les arts, ainsi que les autres matières – intensément – car j’avais décidé de m’inscrire en art à l’université.

Où trouvez-vous votre inspiration?

L’art est en quelque sorte une forme de méditation, car pour créer, un artiste doit plonger en lui-même et se demander: «Qu’est-ce que je veux vraiment dire? Par quel moyen vais-je exprimer ce que je ressens profondément?» J’ai toujours aimé faire de la randonnée, du camping, explorer de beaux endroits. La nature et ses formes sont une grande source d’inspiration pour moi.

Pendant ma formation universitaire, qui visait à faire de nous des artistes professionnels, on nous inculquait les principes fondamentaux du design comme on enseigne les fondements de la démarche scientifique à de futurs ingénieurs ou scientifiques. Concevoir, créer quelque chose, c’est entamer un processus de résolution de problème, un problème artistique. C’est une façon de penser, de regarder, d’observer et de proposer une solution visuelle à un problème donné; on part d’une idée pour arriver à une proposition en trois dimensions. J’applique d’ailleurs cette approche à toute activité qui implique de résoudre une question, qu’il s’agisse de mettre sur pied une formation, un partenariat communautaire ou une formation pour des étudiants.

Tout ce que j’ai créé jusqu’à présent m’a toujours montré comment aborder l’œuvre suivante. J’ai vendu la plupart de mes pièces, et on me demande parfois si je n’aimerais pas en avoir gardé certaines. Je réponds que chacune m’a enseigné ce que je devais faire ensuite, et que je me sentais donc prête à la laisser partir.

Quelle idée inspirante! Pouvez-vous nous parler de l’évolution de la poterie au fil du temps? Et où en est-elle, aujourd’hui?

De tous temps, on a creusé la terre pour en extraire l’argile dont on a fabriqué des pots et d’autres ustensiles. C’est ce que trouvent presque toujours les archéologues dans leurs fouilles. Ces pots étaient de deux types: la majorité étaient utilitaires et servaient à contenir de l’eau ou de l’huile; d’autres pots, des bols, mais aussi des carreaux et des fresques, étaient de nature artistique. Ces œuvres racontaient l’histoire de la culture et de la civilisation en question – c’est ce qu’ont fait des hommes et des femmes depuis des millénaires.

Aujourd’hui, on parle de poterie ou de céramique pour désigner le travail de l’argile, ou on utilise encore d’autres noms pour divers types de créations artistiques. Il y a ceux qui font des pièces fonctionnelles, et ceux qui créent des œuvres avec de l’argile pure, ou combinée avec d’autres matériaux.

Y a-t-il des avantages à cuisiner et à manger dans des récipients en terre ou en argile?

Ici, en Inde, on pense qu’il est plus sain de cuisiner dans des pots en terre cuite que dans des casseroles en métal. Je n’ai pas fait de recherches scientifiques sur leurs bénéfices spécifiques, mais les récipients en argile ne modifient généralement pas la composition de la nourriture. Si je prépare un dahl dans une cocotte en terre, il va cuire lentement, avec un bon transfert de chaleur, bien réparti. Ce qui importe, c’est que l’émail ne se combine pas avec l’aliment. Quand on chauffe du jus de citron ou d’autres ingrédients acides dans une casserole en aluminium, il y a une interaction avec le métal, qui altère la nourriture.

Être artiste - l’inspirationPendant ma formation universitaire, qui visait à faire de nous des artistes professionnels, on nous inculquait les principes fondamentaux du design comme on enseigne les fondements de la démarche
scientifique à de futurs ingénieurs ou scientifiques. Concevoir, créer quelque chose, c’est entamer un processus de résolution de problème, un problème artistique.

Après de nombreuses années passées à enseigner l’art, vous revenez aujourd’hui à la création. Pensez-vous que votre approche s’est modifiée?

Je ne sais pas trop quelle tournure mon nouveau travail va prendre, mais je sais qu’il sera influencé par mes pièces précédentes, par l’expérience accumulée en travaillant avec d’autres dans les domaines de l’art et de l’éducation, et par ma pratique de la méditation – je pense que ce sera une combinaison des trois.

Pouvez-vous nous parler davantage du lien entre l’art et la méditation?

Comme je l’ai dit, je vois la création artistique comme une forme de méditation. L’art et la méditation sont tous deux des pratiques. Un de mes professeurs, John Carter, définissait ainsi la pratique: «Tout ce qu’on décide de faire régulièrement pour l’exécuter de mieux en mieux.» Quand j’étais jeune, j’avais de l’inspiration, mais je ne savais pas trop comment elle me venait, j’étais simplement heureuse qu’elle soit là. Déjà à cette époque, je réfléchissais, je cherchais au-dedans de moi comment aider mes idées à affleurer, à sortir de ma vie intérieure.

Comme je médite depuis 26 ans, j’apprécie de plus en plus d’avoir une vie intérieure et une vie extérieure. Et une partie de mon travail, au quotidien, est de les garder en équilibre. Du fait que je plonge dans mon cœur et que je m’absorbe dans mon for intérieur durant la méditation, je trouve plus facilement le chemin pour y retourner et y puiser l’inspiration. J’ai donc l’impression que la méditation et la création artistique fusionnent en une seule pratique.

Qu’est-ce que la créativité, pour vous, et comment l’utilisez-vous pour entrer en relation avec le monde qui nous entoure?

J’ai la conviction profonde que nous sommes tous créatifs, que nous sommes tous nés avec des talents. En fait, nous avons la responsabilité de les découvrir et de les utiliser dans notre travail et dans nos vies, car notre créativité nous aide à atteindre notre plein potentiel. Quand je rencontre des gens qui me disent qu’ils sont incapables de tracer une ligne droite ou qu’ils ne sont pas créatifs, je souris et réponds: «Bien sûr que vous l’êtes! Chacun de nous est créatif. Le tout est de découvrir de quelle façon.»

Que l’on soit doué pour collaborer avec les autres, monter à cheval, diriger une équipe, ou bien qu’on adore faire du théâtre, la cuisine ou encore élever son enfant ou travailler comme bénévole – tout ça, ce sont des actes créatifs. Et si nous les voyons comme tels, nous avons beaucoup plus de chances de donner le meilleur de nous-même.

Comment faites-vous pour inspirer les enfants et les encourager à explorer leur créativité, dans cette société axée sur la technologie, où tout va si vite?

Je crois que chaque fois qu’il y a un changement majeur dans notre culture et dans notre mode de vie – comme c’est le cas de la technologie qui a bouleversé nos existences – nous avons le choix: accompagner ce changement et apprendre en quoi il peut être utile à notre développement, ou rester, comme beaucoup le font, dans la seule fascination de ces gadgets. En regardant les jeunes utiliser leurs téléphones, consoles de jeu et autres appareils, j’ai remarqué que leur capacité de passer de façon fluide, sans hiatus, d’une chose à l’autre, tout en se focalisant sur chacune, est une parfaite caractéristique de la créativité.

C’est l’aptitude même qui permet, quand on crée, de réagir à ce qui se passe dans la réalité de l’instant. On n’est pas prisonnier d’un dessin, d’un croquis ou d’une idée.

Être artiste - l’inspiration

Lorsqu’un adulte sympathique et bienveillant apporte des matériaux intéressants à des enfants, leur donne des directives claires – du genre «Voilà le projet qu’on va réaliser aujourd’hui» – et une bonne organisation pratique, ils s’engagent spontanément.

Je pense donc que les enfants peuvent tirer parti des capacités que ces outils et ces jouets contribuent à développer, pour être parfaitement réactifs à ce qu’offre le moment présent et de pouvoir se concentrer sur une chose.

Je voudrais ajouter que lorsqu’un adulte sympathique et bienveillant apporte des matériaux intéressants à des enfants, leur donne des directives claires – du genre «voilà le projet qu’on va réaliser aujourd’hui» – et une bonne organisation pratique, ils s’engagent spontanément. Il est très important de guider nos enfants, de répondre à leurs questions et de leur montrer comment utiliser les matériaux et les outils en toute sécurité, pour leur donner à vivre ainsi une expérience complète de la création. Et peu importe si la pièce en question est achevée ou non, réussie ou non, parce que tout cela fait partie de l’apprentissage.

Comment encouragez-vous vos élèves à surmonter leurs inhibitions et à exploiter pleinement leur potentiel créatif?

Nous incluons toujours une séance de relaxation dans nos programmes, nos formations, nos ateliers ou nos sessions d’un jour pour les familles, dans l’idée qu’on ne peut pas être simultanément détendu et angoissé. La relaxation équilibre le cœur et l’esprit, et c’est donc un merveilleux moyen de faire naturellement émerger la créativité et l’inspiration – un moyen toujours disponible. Ainsi, c’est par une simple relaxation que nous débutons, car elle nous mettra dans une bonne disposition pour nous lancer dans le travail, pleins de joie et d’inspiration, dans l’attente enthousiaste de voir ce que nous allons produire ce jour-là.

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