Être inspiré

N’avez-vous pas remarqué que l’amour était silence? Que ce soit en tenant la main de quelqu’un, en regardant un enfant avec amour ou en absorbant la beauté d’une soirée. L’amour n’a ni passé ni futur – et il en va de même de cet état de silence extraordinaire. Et sans ce silence, qui est le vide absolu, il n’y a pas de création.
J. Krishnamurti

Seriez-vous intéressé si quelqu’un vous disait qu’il existe un ensemble de pratiques simples qui aident à gérer tous les aspects de la vie quotidienne, tout en élevant le potentiel humain à un niveau qui dépasse l’imagination la plus folle? Cela attiserait pour le moins la curiosité de la plupart des gens. En fait, cela correspond précisément à la description des pratiques du yoga, mais rares sont ceux qui s’en rendent compte. Le yoga comprend un ensemble holistique de pratiques qui visent au développement personnel et au bien-être du corps, de l’esprit et de l’âme. Il y a quelques milliers d’années, le grand sage Patanjali a répertorié les pratiques yogiques en vigueur en son temps et les a présentées dans un traité en huit étapes, qu’on utilise encore aujourd’hui. Il s’agit de l’ashtanga yoga. Mais les pratiques du yoga ont évolué depuis Patanjali, surtout au cours des 150 dernières années, pour répondre aux besoins de l’époque. Dans cette série d’articles, KAMLESH PATEL décrit chaque étape du yoga à la lumière des pratiques yogiques modernes de Heartfulness. Il nous montre comment concilier nos pratiques spirituelles intérieures à la vie dans le monde, et comment affiner notre personnalité pour parvenir au véritable du yoga – c’est-à-dire à l’efficacité dans l’action et à l’harmonisation des aspects spirituel et matériel de la vie.

NIYAMA

Niyama est la deuxième des huit étapes de la pratique du yoga de Patanjali. KAMLESH PATEL nous montre que yama ne suffit pas pour mener une vie juste – il s’agit encore de cultiver la noblesse de caractère en observant les prescriptions positives de niyama.

Supposons que vous soyez déjà en train d’accomplir les cinq vœux du chercheur de la première étape, yama. Ce faisant, vous abandonnez de nombreuses tendances et de traits de caractère négatifs, éliminez de votre système quantité de complexités qui sont autant d’épines sur le chemin spirituel. La pratique du nettoyage intérieur enlève le fardeau des samskaras accumulés dans le cœur et, grâce à vos efforts sincères, les tendances et les schémas émotionnels qui les accompagnent peuvent aussi s’éliminer. De fait, yama représente la suppression de «tout ce qu’il ne faut pas faire», ce qui constitue une partie de la psychologie yogique.

Mais yama suffit-il? Il nous faut poursuivre le raffinement de notre caractère, et pour cela pratiquer niyama, ce qui exige de cultiver et de façonner la noblesse de caractère. Cela comprend toutes les «choses à faire», les vertus, les devoirs positifs et l’observance de certaines dispositions intérieures.

Niyama consiste à trouver un ordre sur lequel fonder notre vie et l’intensifier. Il nous fournit l’orientation pour façonner notre mode de vie de telle façon qu’il répande spontanément le parfum de notre état intérieur. Il s’agit du raffinement de soi jusqu’à des états de plus en plus subtils, à la fois intérieurement et extérieurement. Niyama, qui est la noblesse, l’élégance, la courtoisie, peut finalement nous amener à vivre une existence en harmonie avec notre nature divine. Essentiellement, il s’agit de se déterminer intérieurement à adopter une régularité pour qu’un jour la conscience du corps s’accorde spontanément à l’esprit, suivant un rythme qui engendre des automatismes. Dans la nature, on le voit, il règne un ordre prodigieux. Plus le but est élevé, plus il faut de l’ordre.

Suivre yama et niyama est le devoir de tout chercheur en spiritualité. Tandis que yama représente la destruction de tout ce qui est indésirable, niyama consiste à accueillir dans son cœur toutes les qualités requises. Quelles sont-elles? Dans le yoga traditionnel les cinq niyamas sont:

SHAUCHA

Le premier niyama est shaucha, la pureté. Tous les grands enseignants spirituels ont insisté sur l’importance de la pureté, qui découle naturellement du perfectionnement des yamas. Les niyamas succèdent en quelque sorte à la culmination de yama. Pour mon cœur, la pureté est semblable à Dieu. Elle est l’essence de la Réalité. Vers la fin de sa vie, Ram Chandra nous a donné un message très important: la pureté tisse notre destinée avec l’Ultime. C’est une pensée très profonde qui accorde une grande importance et une gravité à la pureté.

Swami Vivekananda disait: «Selon les sages, il y a deux sortes de purification – l’intérieure et l’extérieure. La purification du corps par l’eau, la terre ou d’autres substances est la purification extérieure, par le bain, etc. La purification intérieure est celle de l’esprit, elle se fait par la vérité et par toutes les autres vertus. Les deux sont nécessaires. La pureté intérieure ne suffit pas, si on reste sale à l’extérieur. Lorsqu’on ne peut avoir les deux, c’est la pureté intérieure qui prime, mais personne ne devient un yogi tant qu’il ne possède pas les deux.»(1)

(1)Swami Vivekananda, Raja yoga, chapter 8, «Raja Yoga in Brief»

Au cours de notre évolution, la nourriture que nous mangeons, les vêtements que nous portons et toutes nos habitudes innées doivent peu à peu s’adapter au niveau que nous atteignons. Nous n’évoluons pas seulement intérieurement, mais également dans nos manières et notre mode de vie. Une transformation complète est nécessaire. La pureté imprègne ainsi tous les niveaux de notre être, de l’intérieur vers l’extérieur.

SANTOSH

Le deuxième niyama est santosh. Que désirons-nous le plus dans la vie? Quelle que soit son origine, chacun dira le bonheur, le contentement. L’état de contentement nous permet d’accepter n’importe quelle situation en restant reconnaissants à Dieu. Et qu’est-ce qui nous apporte le bonheur? Peut-être une merveilleuse relation, des enfants qui réussissent leur vie, une existence confortable, paisible et calme. Cependant, même si nous gagnons sur tous les tableaux, sans la paix intérieure nous ne serons pas heureux. Pourquoi? Parce que le bonheur se trouve à l’intérieur.

En fait, le bonheur ne dépend pas de choses ou de personnes extérieures, bien que les circonstances extérieures puissent renforcer l’état intérieur. Pour autant que nous ayons le nécessaire, tout l’argent, les plaisirs, les amis, le succès ou les possessions ne nous apporteront pas le bonheur. Le philosophe Schopenhauer définit celui-ci comme la totale satisfaction de tous les désirs. On pourrait l’évaluer mathématiquement:

Si, sur dix désirs, cinq sont satisfaits, on est heureux à 50%. Si les dix sont comblés, on est heureux à 100%. Mais plus on a de désirs, plus il est difficile de tous les satisfaire, et donc moins on est heureux. Le bonheur est inversement proportionnel au nombre de désirs.

Que se passe-t-il quand on n’a plus aucun désir? Le dénominateur est égal à zéro. Si on divise n’importe quel nombre par zéro, on obtient l’infini. Quand on a zéro désir, notre bonheur est sans limite. En diminuant le nombre de nos désirs à zéro, nous faisons la paix avec nous-même.

Pourtant, est-ce possible d’arriver à zéro désir? Est-ce faisable? Pourquoi ne pas remplir au mieux ses devoirs, qui eux n’appartiennent pas à la catégorie des «désirs» et ne deviennent pas un fardeau.

Alors comment supprimer les désirs? Heartfulness parvient à ce résultat par un ensemble de pratiques complémentaires:

  • Premièrement, nous apprenons à ignorer l’attraction des pensées pendant la méditation, pour qu’elles cessent de nous contrôler. Nous développons ainsi la maîtrise du processus de pensée, et cette maîtrise s’approfondit jusqu’à ce que nous transcendions aussi l’attraction des sentiments et des émotions dans notre cœur, ce qui survient grâce à la transmission qui apporte le soutien nécessaire.

  • Deuxièmement, par la pratique quotidienne du nettoyage, nous enlevons les impressions sous-jacentes, ou samskaras, qui résident dans notre subconscient et «accrochent» nos désirs. Ce processus est essentiel, parce que beaucoup de nos désirs ont une racine subconsciente sur laquelle nous ne pouvons pas travailler de façon consciente. C’est le nettoyage qui permettra d’éliminer cette racine subconsciente.

  • Troisièmement, au moment du coucher nous nous connectons à notre propre Source par une prière où nous reconnaissons que nos désirs créent des obstacles. Puis nous offrons notre cœur à cette Source, notre Divinité intérieure, pour qu’elle nous aide à éliminer nos désirs. Au lieu de tenter de les supprimer à l’aide de la conscience inférieure de notre ego, nous prenons une voie directe en y engageant notre conscience supérieure.

  • Quatrièmement, nous suivons un ensemble de directives simples pour la conduite de notre vie, que nous appelons les dix maximes. Elles détiennent des secrets spirituels qui jadis se transmettaient de cœur à cœur. Elles sont issues de perceptions directes, de l’étude de la Nature, et ont été révélées par l’intermédiaire de vibrations ou shruti. Ram Chandra de Shahjahanpur les a transmises en mots pour nous permettre de les mettre en pratique dans notre vie quotidienne.(2)

     

    (2)Ram Chandra, Raja yoga. Histoire et tradition, vol. 6, p. 133 sqq.
  • Cinquièmement, nous laissons l’état méditatif acquis pendant la méditation vibrer à l’arrière-plan pendant la journée, c’est ce qu’on appelle le souvenir constant. Dans cet état, une partie de notre attention reste tournée vers l’intérieur, et l’autre s’écoule à l’extérieur pour accomplir nos tâches quotidiennes. Il est alors impossible de former des impressions et l’état de pureté peut se préserver.

TAPAS

Le niyama suivant est tapas – la pénitence ou la combustion interne, le feu intérieur qui entraîne une purification et un raffinement de plus en plus élevés. Il nous apporte la maîtrise des sens. C’est une manifestation en nous du feu de la Divinité, qui correspond à l’éveil du troisième chakra dans la région du cœur, le point du feu. Tapasya nous apporte la discipline, l’amour, l’enthousiasme et le désir ardent d’atteindre le but spirituel. Il consume aussi toutes les habitudes et les tendances qui pourraient bloquer notre progression, et développe la volonté. Au niveau physique, tapasya est lié à la pratique du jeûne, où l’autophagie nous aide à éliminer les déchets du corps.

Cela ne veut pas dire qu’il faille mortifier le corps ou s’enfuir dans la jungle, comme on l’a souvent compris à tort. Il s’agit en fait de prendre la vie à bras-le-corps et de faire face à tout ce qui se présente. Cela signifie aussi sacrifier certaines ressources dont nous disposons pour le bien-être de la création divine.

SWADHYAYA

Swadhyaya signifie «étude de soi»; swa veut dire «soi» et adhyaya «étudier». Il est primordial de nous observer et de nous analyser au cours du voyage du yoga, faute de quoi il nous est impossible de prendre conscience de nos intentions et de nos actions. Comme les pensées sont l’expression de notre état intérieur, les observer nous aide à l’étudier. Pour façonner notre état intérieur afin qu’il soit en résonance avec le Divin, il nous faut travailler sur notre caractère et mettre en lumière les habitudes et les tendances qui limitent notre personnalité, pour leur permettre de disparaître. C’est un processus délicat, car nous avons tendance à nous juger, ce qui entraîne de la culpabilité et de la honte. Tel n’est pas l’approche du yoga, où l’auto-analyse sert à s’améliorer et à s’affiner sans cesse dans l’acceptation de soi-même.

Sans la pureté, la discipline et le contentement intérieur, on néglige l’étude de soi. Pourquoi un esprit impur voudrait-il s’analyser? Sans être passé par une expérience d’austérité, on ne sera généralement pas enclin à l’étude de soi. Pourquoi un esprit mécontent aurait-il recours à une auto-analyse systématique? Swadhyana est parachevé par la méditation sur le principe divin. Un esprit impur peut-il méditer? Un cœur mécontent peut-il méditer? Une personne qui n’a pas simplifié sa vie grâce à tapasya peut-elle méditer? Il faut nous poser ces questions vitales, fondamentales.

Heartfulness facilite l’étude de soi de nombreuses façons, même lorsque nous manquons de pureté, de simplicité et de contentement. Cela dit, si nous possédons déjà ces qualités, avons-nous besoin de méditer? Non, évidemment…

  • Premièrement, la méditation nous apprend à nous placer en observateurs, à être attentifs à notre univers intérieur. Ainsi, quand surviennent des perturbations, nous en prenons rapidement conscience et nous efforçons de les éliminer par le processus du nettoyage, sans nous laisser entraîner dans les émotions de ce que nous observons en nous.

  • Deuxièmement, nous sommes encouragés à écrire notre journal pour mieux nous sensibiliser à notre condition intérieure. En cultivant l’observation, l’acceptation, et l’empathie envers nous-mêmes, nous pouvons changer plus rapidement.

  • Troisièmement, grâce à notre connexion avec la Source par la prière, nous sommes mieux à l’écoute de notre cœur et réceptifs à sa sagesse.

  • Quatrièmement, la pratique du souvenir constant nous connecte en permanence à cette sagesse intérieure qui nous aide dans l’étude et l’affinement de nous-mêmes.

Swadhyaya comprend aussi la lecture et l’étude de la littérature sacrée. Ces textes nous fournissent des points de référence dans notre voyage intérieur, qui nous permettent de savoir où nous allons et comment nous progressons. Cette lecture nous apporte la sagesse de ceux qui ont déjà parcouru le chemin et nous incite à poursuivre notre avancée. Ces textes sacrés renferment de nombreux niveaux de signification et de compréhension, et ces couches se révèlent à mesure que nous avançons dans notre voyage.

ISHWAR PRANIDHAN

Le dernier niyama est ishwar pranidhan, qui signifie l’abandon au Dieu omniprésent. Il nous conduit aussi à l’abandon et à l’acceptation de soi, et se reflète dans nos attitudes et notre comportement par une totale humilité et un émerveillement pur et innocent. Cet état est le résultat et l’aboutissement naturels de la foi.

L’acceptation mène à l’abandon de la façon la plus naturelle. L’amour nous fait faire des choses magnifiques pour notre bien-aimé. Dans l’amour, quand il y a totale acceptation, l’idée d’asservissement ou d’abandon imposé n’entre même pas en ligne de compte. À l’inverse, un cœur plein de haine, d’insatisfaction, de confusion, de violence, d’impureté et de complexités ne peut rien faire pour favoriser la joie, ni pour lui-même ni pour les autres. Un esprit impur est-il capable d’acceptation et d’abandon?

Dans l’abandon, le poids de l’ego se dissipe, nous laissant libres de prendre notre essor et permettant à la conscience de s’étendre sans limite. L’énergie réprimée jusque-là s’exprime instantanément – alors, nous sommes en paix avec nous-mêmes, dans la félicité intérieure. Acceptant toute chose, nous pouvons nous abandonner à l’Existence tout entière. Il n’y a plus de processus sélectif d’acceptation et d’abandon.

S’abandonner n’est pas un effort individuel ou de groupe, c’est le résultat de nos tentatives dans le champ spirituel, sous la conduite d’un guide compétent.

Dans la Bhagavad Gita, le Seigneur Krishna nous livre également son enseignement sur niyama. Niyama nous conduit à abandonner avec dévouement et dévotion les fruits de nos actions au Divin. Cela implique des actions désintéressées et la dissolution de tout attachement égotique aux choses que nous pensons, disons ou faisons. Il en résulte une plus grande efficacité dans l’action, comme l’enseigne Krishna à Arjuna.

Grâce à ces cinq niyamas, l’esprit n’erre plus dans toutes les directions, comme nous l’explique merveilleusement Swami Vivekananda dans un chapitre consacré à la concentration(3) . Alors, il n’y a plus qu’un point de mire: le but intérieur. La concentration en découle de façon naturelle, et ces pratiques nous amènent très simplement à la cinquième étape de l’ashtanga yoga, pratyhara. Ce que nous verrons dans un de nos prochains numéros.

(3)Complete Works, vol. 6, p. 123

 

CULTIVER LA BONNE ATTITUDE ENVERS NIYAMA. TOUT EST LÀ!

Quelle est la meilleure façon de cultiver les niyamas? On les pratique souvent de façon obligatoire et mécanique, comme des prescriptions; or la discipline ne doit pas exister au détriment de l’amour. L’amour suscite la joie. Si la discipline ne s’accompagne pas de joie, elle n’est qu’une façon de se torturer.

Contraindre quelqu’un à quelque chose, c’est de la dictature et c’est contre-productif. Une discipline imposée, que ce soit à nous-mêmes ou à quelqu’un d’autre, devient une prison. Et si Niyama est infligé, il ne peut devenir un moyen de libération.

Que se passe-t-il quand nous imposons niyama aux autres? Il y a une personne qui force et l’autre qui est forcée, elles sont en opposition. Elles n’ont aucune joie à être ensemble. De même, s’il arrive que ma conscience ou une inspiration passagère me pousse pour un temps à pratiquer niyama, les choses se gâteront dès que l’inspiration initiale sera tarie. Je serai déchiré entre ma résolution première d’être discipliné et ma faiblesse, mon impréparation, mon manque d’intérêt, de joie et d’amour. C’est ce qui se passe fréquemment avec les résolutions du Nouvel An. Une fois l’inspiration dissipée, la résolution se change en corvée. On finit par donner naissance à deux «moi». L’un voudrait agir et l’autre résiste, plaide ou persifle: «C’est de l’esclavage, laisse-moi dormir encore un peu! Je peux faire ça plus tard.» – «Tu ferais mieux de te réveiller et de faire ce que tu t’es engagé à faire!»

Quand la discipline est soutenue par la joie, nous sommes heureux de suivre un certain rythme. Quand on fait quotidiennement de l’exercice et qu’un jour on en est empêché, ça nous manque et notre corps sent la différence. La joie éprouvée à faire quelque chose engendre la discipline. Cette discipline nous enrichit, nous ennoblit et nous rend libres, car on la suit avec allégresse.

Yoga veut dire «union» – l’union de notre soi inférieur avec le Soi supérieur. Cette union nous ouvre à l’art d’écouter le Soi profond. Lorsque c’est le Soi qui impose ses règles, et non quelqu’un d’autre, le résultat est très différent. Quand on est uni au plus Haut, intégré à Lui, la vie est guidée par la «con-science» (avec science), et non par des connaissances figées et limitées ou des dogmes. Notre intégrité respire alors la joie qui surgit lorsqu’on suit la conscience intérieure. Dès lors il est facile d’être un individu discipliné, apte maintenant à devenir un disciple. Par opposition, cela nous fait comprendre un autre mot, «con-fusion» (avec fusion), qui survient quand trop de choses se mêlent, en l’absence d’union ou de fusion avec le Soi supérieur.

Faites la comparaison entre marcher sur un sentier, rouler à vélo, conduire sur une route à voie unique, conduire sur une autoroute à voies multiples, voyager en avion et s’élever dans une fusée. Dans quel cas seriez-vous le plus libre de vous déplacer ou de voyager? Vous pensez probablement que c’est dans la fusée, mais est-ce vraiment le cas? Lorsque nous marchons, nous sommes soumis à très peu de règles. Nous pouvons nous arrêter et repartir quand bon nous semble, changer de direction, accélérer ou ralentir. A bicyclette, on doit respecter quelques règles de plus. En voiture, il y en a davantage, pour que chacun soit en sécurité; et plus la route comporte de voies, plus on roule vite, plus on doit être attentif et discipliné. Un pilote d’avion a encore moins de liberté qu’un conducteur de voiture, et ceux qui sont dans une fusée voient la leur réduite au minimum; ils ne peuvent faire un mouvement, manger, dormir ni travailler quand ils le veulent. Donc plus nous allons haut, plus nous avons besoin de discipline, et plus nous avons besoin de joie pour que cette discipline soit voulue et aimée.

Prenons deux scénarios: dans le premier un homme se réveille à cinq heures du matin pour aller chercher sa bien-aimée à l’aéroport. Dans le deuxième, on exige de lui qu’il se lève à cinq heures du matin pour nettoyer la maison, ce qui le contrarie. Quelle différence y aura-t-il dans son attitude? De même, quelle attitude sera plus fructueuse quand on pratique les niyamas? Ils doivent être pratiqués avec une joie immense et, ce qui importe plus, sans se sentir asservi. Sinon ils ne rempliront pas leur but, qui est de procurer un ordre plus élevé, un plus haut niveau d’osmose avec l’Être supérieur.

On distingue généralement deux genres d’actions: celles qui naissent d’une répression, et celles qui découlent d’un laxisme pratiqué au nom de la liberté. Les deux vont à l’encontre du processus évolutif et les deux portent atteinte à la vraie liberté. La vraie liberté consiste à faire ce qui est juste. Et comment décider de ce qui est juste? Cette capacité nous est donnée par la première des quatre sadhanas du yoga, viveka, qui est la faculté de discriminer et de faire des choix judicieux. À moins d’avoir assimilé ce premier pas de la sadhana chatusthaya, nous ne serons pas capables de choisir ce qui est juste.

Dans La Réalité à l’aube(4) , Ram Chandra décrit les qualités des quatre sadhanas, en commençant par les deux premières, viveka (la discrimination) et vairagya (le renoncement): «Viveka et vairagya sont un état du mental qui se développe à différentes étapes, par la pratique constante de certaines sadhanas yogiques, telles que le souvenir, la dévotion ou l’amour. Le véritable viveka ne peut se développer tant que les sens ne sont pas totalement purifiés, le mental convenablement ajusté et discipliné, et l’ego (ahankara) purifié. Nous constatons que viveka est en fait le résultat de pratiques suivies dans un but défini.» Il explique ensuite que vairagya résulte à son tour de viveka.

(4)Ram Chandra, Raja Yoga. Histoire et tradition, vol. 6, pp. 75-77

À ce point, Ram Chandra introduit une innovation par rapport à l’approche traditionnelle, innovation rendue possible par la transmission yogique. Il explique que les pratiques yogiques de Heartfulness développent automatiquement viveka et vairagya, sans que nous ayons besoin de les pratiquer. Il ajoute qu’«on ne les considère pas comme des sadhanas; on les laisse se développer automatiquement chez l’aspirant au cours de son évolution.»

Avec Heartfulness, nous commençons avec la troisième sadhana qui comporte six formes de réalisation spirituelle, ou shat-sampatti. «Le premier sampatti est sham, la condition paisible du mental qui conduit à un état de calme et de tranquillité. Quand nous le pratiquons, viveka et vairagya suivent automatiquement. […] Une pratique n’est d’aucune utilité si elle n’a pas pour résultat naturel viveka et vairagya. La forme authentique de viveka se produit quand une personne se rend compte de ses défauts et de ses insuffisances, et que du fond du cœur elle s’en repent.»

Donc en suivant avec sincérité les pratiques méditatives Heartfulness, le cœur est purifié et nous sommes à même de plonger profondément dans son immensité et de puiser dans la sagesse universelle. Ainsi viveka se développe de façon naturelle, sans efforts excessifs ni contrainte.

Revenons aux deux types d’actions évoquées. Celles en réponse à la répression favorisent l’esclavage intérieur, ce qui limite l’expansion de la conscience. Celles nées du laxisme sèment les graines d’où naîtront les désirs qui nous asservissent d’une autre façon. L’aversion tout comme la complaisance sont coupables. Elles sont les «j’aime» et «je n’aime pas» et donnent lieu aux impressions qui s’accumulent dans notre cœur, créant de la lourdeur et nous éloignant de la source de notre être.

Comment s’élever au-dessus de l’aversion et du laxisme? Il nous faut établir niyama dans nos vies, pour que la rivière continue à s’écouler vers l’océan infini, contenue par deux berges qui la guident vers sa destination. Imaginez une rivière dépourvue de berges pour la délimiter!

Les pratiques Heartfulness nous préparent à répondre à toutes sortes de situations de la vie qui exigent de la discipline et le raffinement du caractère, que ce soit pour dépasser nos faiblesses, travailler avec notre ego, prendre de sages décisions, nous auto-analyser, résoudre des problèmes et des conflits avec les autres et nous améliorer continuellement. Nous ne nous imposons plus de règles sans avoir conscience des conséquences de ce que nous faisons. Dans la vie quotidienne, la discipline se situe à divers niveaux. La discipline militaire se fonde sur le patriotisme, le courage et l’obéissance; la discipline religieuse prospère grâce à la carotte de la libération ou du ciel, et au bâton de la peur de la mort ou de l’enfer; alors que la véritable discipline doit naître de l’amour et de la joie.

Quand la transmission yogique connecte le chercheur au guide, elle amplifie les effets de la suggestion positive, appelée sankalpa, ce qui peut entraîner des résultats miraculeux. Par exemple lorsque le guide ou un formateur Heartfulness émet la pensée subtile «que telle ou telle qualité se développe chez le chercheur», si celui-ci coopère, niyama est établi.

En fin de compte, «la perfection de la noblesse humaine réside dans le fait que le dévot demeure en permanence dans la sphère de la dévotion», comme l’a dit Ram Chandra dans sa sixième maxime. Même un guide spirituel compétent ne peut nous insuffler de nobles qualités si notre cœur n’est pas préparé et désireux de les cultiver, s’il n’est pas en osmose avec sa plus haute vocation. Ram Chandra nous donne encore une autre indication sur la façon de cultiver niyama(5): «Ce séjour sur terre est une étape déterminante dans votre évolution; ne laissez pas vos chances se perdre dans le tumulte des jours. Les vicissitudes de la vie doivent vous être utiles; vos bonnes et mauvaises expériences doivent vous aider à progresser, à être éclairés sur la réalité cachée derrière toutes ces tribulations.

(5)Message du Monde Lumineux, mardi 8 mai 2001 – 10h

Cette succession de moments vécus dans l’esprit, qui maintenant vous caractérise et résulte de la sagesse acquise au fil des jours, fait de votre vie une illumination permanente. Soyez réceptifs à tout ce qui arrive; ne négligez aucun détail, tout est important. Des signes – qui balisent votre chemin – vous sont donnés; à vous de les décoder.

Laissez votre cœur s’exprimer en toute circonstance, ne le réfrénez pas. Il doit jouer son rôle dans votre existence terrestre; il l’embellit, il lui donne ses lettres de noblesse. Celles-ci survivront à cette incarnation. Elles resteront imprimées sur les tables du temps.»

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