Kamlesh D. Patel partage quelques pensées sur la façon dont le mariage ennoblit et enrichit notre vie, soutient notre évolution et offre une base heureuse et stable à la vie de famille

le but supérieur du mariageL’autre jour, j’ai eu la chance d’observer un couple âgé qui se promenait à Princeton le long de la rivière, marchant exactement du même pas. On voyait qu’ils étaient ensemble depuis longtemps. Ils parlaient à peine, leur unité se manifestant de façon plus subtile. Ils sont finalement arrivés à un banc du parc qui donnait sur la rivière, ont sorti un thermos de thé et quelques sandwiches et ont dégusté ensemble leur petit festin dans un silence parfait. Leurs gestes étaient tellement en harmonie que pendant un instant on aurait cru qu’il ne s’agissait que d’une seule personne. La manière dont elle versait le thé était emplie de douceur et de sollicitude, tout comme sa façon à lui de recevoir la tasse. Ils ont mangé leurs sandwiches en profitant du calme du bord de la rivière.

Ils étaient arrivés dans leur mariage à un stade de pureté dans la relation et de communion. Était-ce l’aboutissement d’une vie emplie d’une harmonie et d’une tranquillité parfaites ? J’en doute. Avaient-ils eu des discussions sur la façon de discipliner leurs enfants et sur la quantité d’argent dépensée le mois précédent ? Probablement. La plupart des couples évoluent jusqu’à ce stade de leur relation en traversant des périodes de luttes et de difficultés, en sacrifiant leurs désirs personnels et en élevant des enfants, des petits-enfants et parfois des arrière-petits enfants.

C’est l’autre extrémité du spectre qui débute dans la griserie de l’amour naissant des jeunes mariés, lorsque l’amour d’un couple se manifeste davantage physiquement et en paroles. Cela, s’il y a de l’amour dans la relation. Nous y viendrons plus tard.

Alors, qu’est-ce qui est mieux : la passion des premiers jours de l’idylle ou les jours heureux du couple âgé ? C’est apparemment une question stupide, vu qu’il est évident que ce sont les différentes étapes de l’évolution d’un mariage, l’une et l’autre pertinentes et importantes. Ce 2 serait une question stupide, si ce n’est que de nos jours la plupart des mariages en Occident et un nombre croissant en Orient ne tiennent dans la durée !

Cela vaut la peine d’en examiner les raisons. Qu’advient-il entre le début et la fin ? Pourquoi dans le monde d’aujourd’hui tant de mariages se terminent-ils par un divorce ? Est-ce parce que le mariage est une institution désuète ? Je dirais « non », c’est parce que nous ne comprenons pas le but et les étapes du mariage, ainsi que la nature de l’amour. Il est facile de voir comment arrivent les problèmes. La routine quotidienne de la vie moderne ne favorise pas les relations. Souvent les deux parents travaillent de longues heures pour économiser assez d’argent pour payer l’éducation de leurs enfants et acheter une maison, et les citadins sont envahis par toutes sortes de pollutions et de stress environnementaux. Ainsi à la fin d’une journée trépidante, il reste peu d’énergie pour prendre soin l’un de l’autre et être aimable.

Mais croyez-vous que cela soit plus difficile que de vivre avec la guerre, la famine, les épidémies ou l’esclavage – toutes ces situations qu’enduraient nos ancêtres ? Il est facile d’imputer aux circonstances l’échec actuel des mariages, mais à maints égards, les êtres humains n’ont jamais eu la vie aussi facile.

Il s’avère également qu’après le tourbillon joyeux d’une noce, vient la réalité de la vie commune, l’acceptation des imperfections de l’autre et l’apprentissage de l’ajustement à la nouvelle dynamique d’une relation. Lorsque deux êtres imparfaits s’associent, ils sont voués à vivre des périodes de friction et d’adaptation. Et si le couple vit avec une famille élargie, il y aura même davantage d’éléments dans cette nouvelle dynamique. Souvent ce n’est ni au début ni à la fin que le mariage échoue, mais au milieu, lorsque les conflits sont les plus grands. Alors, qu’est-ce qui fait la différence entre un couple qui a la capacité d’adhérer au processus évolutif du mariage et celui qui ne l’a pas ? Alors que de plus en plus de jeunes cherchent des réponses à ces questions, où convergent la raison et les émotions, où se rencontrent la tradition et les modes de pensée actuels et, peut- être, où se rencontrent la science et la spiritualité, il est indispensable d’avoir une approche extrêmement pertinente et pratique des relations, qui inclut également la sagesse ancestrale.

Commençons donc par une sagesse ancienne qui peut être utile.

Dans la philosophie yogique, nous étudions les 3 types humains : sattvik (vertueux), rajasic (passionné) et tamasic (passif). Nous sommes tous un mélange des trois, mais en général l’un d’eux prédomine dans notre constitution et cela peut se modifier au fur et à mesure que nous évoluons. Le comportement tamasic est caractérisé par l’ignorance et l’inertie. Une personne tamasic est souvent léthargique, encline à la violence et au doute.

Le comportement rajasic est caractérisé par l’action et la passion. Une personne rajasic est souvent centrée sur la satisfaction de ses désirs personnels, le profit et la prospérité. Le comportement sattvik est caractérisé par la pureté et la sagesse. Une personne sattvik sert les autres avec joie sans aucune attente de profit personnel. Ces trois qualités imprègnent tout ce que nous faisons : notre façon de marcher, de parler et de manger, et même de respirer ! Qu’arrive-t-il à notre respiration lorsque nous éprouvons une intense colère ? Les narines frémissent et notre respiration est profonde, bruyante et chaotique : elle est de nature tamasic. Au contraire, lorsque nous sommes dans un état de samadhi ou de méditation profonde, notre respiration est si tranquille et calme que c’est à 3 peine si nous la remarquons. Elle s’écoule naturellement et sans effort, ce qui est, par nature, sattvik.

Ces qualités jouent dans tous nos échanges avec les autres et sont très manifestes dans nos relations avec ceux qui nous sont les plus proches. De ce fait, le mariage est également associé à l’un de ces trois types.

Un mariage tamasic repose sur le profit individuel. Le couple s’associe pour le profit. Par exemple, le marié peut se concentrer uniquement sur la situation financière de la famille de la mariée ou sur l’acquisition d’une épouse qu’il exhibe comme un trophée. De son côté, il se peut que la mariée épouse un homme beaucoup plus âgé pour l’argent, le statut, ou l’accès à un visa. De tels mariages sont de nature transactionnelle, ils sont basés sur une attitude narcissique ou égocentrique et peuvent facilement aboutir à une méfiance réciproque et à de la discorde. L’époux est une marchandise qui fournit un statut, du plaisir ou un service.

De nos jours, de nombreux mariages sont rajasic, fondés sur l’amour et le respect mutuels, mais également sur le désir et le profit mutuels. Mais bien qu’il puisse y avoir respect mutuel, l’amour n’est pas totalement pur et inconditionnel, car il y a une attente. Ainsi lorsque l’autre personne a des défauts et est imparfaite, comme nous le sommes tous, il y a déception et problèmes au paradis.

Une relation sattvik est celle dans laquelle les deux partenaires ne se considèrent pas comme des individus, mais comme un seul être. Ils sacrifient tout avec joie pour la relation et pour l’autre. Il y a une magnifique nouvelle de O. Henry intitulée The gift of the Magi [Le cadeau des Rois Mages] qui parle d’un jeune couple de ce genre.

Dans un mariage sattvik il y a pureté d’intention et aucun souci des défauts physiques ou de la situation financière. La communion, la croissance mutuelle et l’amour inconditionnel sont au cœur du mariage. Dans les mariages sattvik, le meilleur émerge au bout d’un certain temps, car la famille est basée sur le don et l’amour, d’où sa solidité.

Lorsqu’arrivent des enfants dans un mariage, la priorité du couple se déplace de l’attention portée à l’autre vers une association où les enfants sont désormais le principal centre d’attraction. Les différents types de personnalité répondront de différentes façons à ce changement. Pouvez-vous imaginer ce qui arrivera à une personne qui est centrée sur elle même, qui désire que son époux ou son épouse lui porte une attention constante ? Et qu’arrivera-t-il à celle qui est toujours heureuse de donner et n’a pas besoin d’être le centre de l’attention ? Voilà un exemple de différentes réponses qui conduisent à différents résultats.

Envisagez de nombreux autres scénarios : problèmes d’argent, mauvaise santé, problèmes avec les enfants, décès dans la famille, ennuis au travail, etc. Comment chaque type de personnalité va-t-il répondre lorsque de telles difficultés surviennent au cours du mariage ?

Pour qu’un mariage fonctionne, il faut toujours qu’il y ait au moins une personne généreuse, et s’il y en a deux, il peut prospérer. Ainsi, dans le monde d’aujourd’hui, dans lequel le narcissisme et l’intérêt personnel sont encouragés et promus par la publicité et les médias, il n’est pas surprenant que tant de mariages échouent ou perdurent dans la souffrance plutôt que dans la joie. Si nous sommes résolus à accuser l’autre et à le critiquer pour les problèmes, plutôt que de nous regarder nous-même et d’accepter les difficultés, rien ne pourra avancer. Nous sommes devenus une culture du « moi » plutôt que du « nous ».

Mais c’est exactement la raison pour laquelle l’institution du mariage est porteuse d’un tel espoir pour l’avenir. Revenons à notre couple âgé de Princeton. Ont-ils commencé leur vie conjugale ensemble dans cet état sattvik ? Pas forcément. La vie commune apporte au fil des ans une évolution partagée. Les angles s’adoucissent, l’acceptation s’épanouit avec le temps 4 et chacun apprend de l’autre comment être dans l’harmonie et la tranquillité. Cela, tant qu’ils veulent bien tous deux continuer à vivre ensemble les hauts et les bas de la vie conjugale.

Si nous voulons bien nous engager dans le voyage, le mariage et la vie de famille nous apprennent à être de plus en plus généreux. Il y a un conte dans la tradition française intitulé « La Belle et la Bête », dans lequel la Bête est très tamasic au début, il emprisonne la magnifique Belle et l’enferme comme un trophée. Mais avec le temps, la gentillesse, l’amour et l’acceptation de Belle le transforment en un beau et tendre prince. Nous aimons ces contes populaires pour la simple raison qu’ils suscitent dans notre inconscient quelque chose que nous savons être possible.

C’est la possibilité que le mariage nous apporte à tous : l’opportunité de croître, de nous affiner et d’apprendre à aimer. Par le mariage nous pouvons évoluer jusqu’à cet état sattvik de communion que j’ai observé ce jour-là chez le couple âgé près de la rivière – si subtil, si doux et d’un tel naturel. J’espère que la plupart d’entre nous aura l’occasion de vivre un tel état. Voilà pourquoi dans le yoga du vingt-et-unième siècle, la vie de famille est portée beaucoup plus haut que la vie de célibat d’un moine.

C’est par l’amour et le sacrifice, les difficultés et l’acceptation, ainsi que par la volonté d’évoluer qu’offre le mariage, que nous nous affinons suffisamment pour réaliser notre plein potentiel en tant qu’être humain.

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